ARTICLE paru dans Famille Chrétienne le 16/10/2015 | Par Benjamin Coste

 

Impliqué dans l’association Providence Faustino (1), le Père Benoît Pouzin est l’un des initiateurs en France d’une pastorale à destination des servants d’autel. Pour le jeune prêtre du diocèse de Valence, cette mission d’Église a un fort potentiel d’évangélisation et de formation.

Comment expliquer le retour en grâce des servants d’autel ?

Les prêtres ont redécouvert que le service de l’autel permettait à des jeunes de trouver pleinement leur place dans la liturgie, et qu’à travers ce service ils découvraient une mission à accomplir. Lorsqu’ils se trouvent près de l’autel ou qu’ils tiennent un cierge à côté de l’ambon où est proclamée la Parole, ils expérimentent une proximité concrète avec Dieu et se rapprochent de Lui.

Pourquoi est-il important qu’il y ait des garçons au service de l’autel ?

Les textes du magistère insistent sur le fait qu’il s’agit d’un moyen pour le garçon de se poser la question de l’appel au sacerdoce. C’est pourquoi dans la tradition de l’Église, ce rôle est en premier lieu proposé aux garçons. Un long cheminement débute au Moyen Âge autour de cette question lorsque des chœurs d’enfants se développent pour animer la liturgie. Petit à petit, il leur est proposé d’apporter une aide au célébrant durant la messe.

Le service de l’autel peut-il s’envisager comme une fin en soi ?

Le service de l’autel est une très bonne chose. Néanmoins, mon premier souhait est que ces garçons deviennent de bons chrétiens, qu’ils fassent une rencontre avec le Christ et qu’ils découvrent la joie de Le suivre et de L’aimer.

Souvent, je dis aux servants : « Cette aube que tu revêts le dimanche pour servir à l’autel est ton vêtement de baptisé que tu dois porter dans ton cœur constamment. Servir la messe n’est pas simplement apporter le calice au prêtre, c’est être serviteur à chaque moment de ta vie et par là découvrir la joie qu’il y a à servir ».

Servir la liturgie est-il réservé aux enfants habitués à assister régulièrement à la messe ?

Absolument pas. J’en veux pour preuve l’exemple de ce garçon à qui j’ai proposé de servir la messe il y a peu. Après l’avoir vu deux ou trois fois venir le dimanche avec sa grand-mère, je lui ai fait cette proposition. Il a accepté et depuis il assiste à chaque eucharistie. Je le sens heureux de la reconnaissance dont il bénéficie. Lui le garçon réservé, fils unique d’un couple divorcé, se retrouve mis en avant, utile à la communauté paroissiale. Même d’un point de vue simplement humain, cette marque de confiance le gratifie et le fait grandir.

Le service de l’autel est-il un moyen d’évangéliser ?

J’ai rencontré beaucoup d’enfants, pourtant loin de l’Église, qui ont fait l’expérience du Christ à travers le service de l’autel. Je suis frappé de la facilité avec laquelle ils entrent dans le rite. Voila la preuve que l’homme a besoin de sacré pour vivre et exister. Ils sont d’une certaine manière rassurés par le rite et ses codes dans un monde qui s’évertue à les gommer au profit de l’assouvissement immédiat des désirs.

Lorsque je vais célébrer la messe dans certaines écoles, quand j’indique qu’il me faut des servants de la liturgie, parfois jusqu’à trente garçons courent à la sacristie où ils s’arrachent littéralement les aubes ! Et souvent, parmi ces garçons, se retrouvent les enfants les plus difficiles. En revêtant l’aube, ils trouvent une place, se sentent valorisés alors qu’ils échouent parfois dans le cadre scolaire. Ce sont d’ailleurs souvent ceux qui servent le mieux ! À tel point qu’un de leurs professeurs est venu me trouver à la fin de la messe pour me demander où il pouvait se procurer des aubes pour ces garçons (rires) !

Il faut enfin parler de ces adultes qui reviennent à la messe grâce à leurs enfants servants d’autel. Je pense à cet ami qui est devenu par la suite mon filleul de confirmation. Il était plutôt anticlérical et lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois à l’issue d’une messe, il m’a prévenu : « Tu sais, aujourd’hui, je suis venu voir mon fils, mais tu n’es pas prêt de me revoir dans ton église ! » Depuis et grâce à l’engagement de son garçon, il a découvert l’amour du Seigneur. Il assiste chaque dimanche à la messe. Et des exemples comme ceux-là, je pourrais en citer des dizaines ! Le service de l’autel est un outil d’évangélisation extrêmement puissant.

Si la présence des filles à l’autel est acceptée, c’est celle des garçons qui est encouragée. Finalement, que comprendre des préconisations de l’Église en la matière ?

Il faut d’abord s’accorder sur le fait que la liturgie est un service. Liturgie signifie « service public ». Ceux qui servent la liturgie se mettent ainsi au service du peuple. À ce sujet, le texte de présentation générale du missel romain ne parle pas de servants d’autel, d’enfants de chœur ou de servantes de la liturgie. Il parle uniquement de ministres. Être servant d’autel est donc un ministère à part entière.

Je trouve excellente la proposition des servantes de l’assemblée faite aux filles. Une proposition imaginée par les Sœurs de Saint-Jean du Puy-en-Velay. Elle permet de donner une place et un rôle à chacun : les garçons, au service de l’autel et les filles au service de l’assemblée, et plus précisément de la Parole. La réforme liturgique a remis en valeur la place de la parole de Dieu dans la liturgie. Ainsi, nous disposons de deux tables : l'ambon, d'où est proclamée la parole de Dieu, où Dieu vient nous parler et préparer nos cœurs à accueillir le Verbe fait chair dans l’eucharistie. La deuxième est l’autel, l’endroit le plus important dans une église, où le Christ Jésus s'offre à nous dans cette nourriture sainte qui est son corps et son sang. 

Certains pourtant critiquent encore un traitement inégal entre filles et garçons…

Nous nous attardons trop sur les distinctions et pas assez sur la complémentarité entre garçons et filles. À force de parler de parité, on oublie de s’arrêter sur la beauté des particularités de l’homme et celles de la femme. Donc, lorsqu’on me dit : « Mais pourquoi ma fille ne peut pas servir à l’autel comme les garçons », je réponds tout d’abord qu’elle a le droit. Ensuite, j’ajoute qu’il me semble plus important de lire les premières lectures – ce qui est proposé aux filles – que d’amener une burette au prêtre. Je veux dire par là que la place laissée aux filles dans la liturgie n'est pas un « second rôle ».

En proclamant la parole de Dieu, la jeune fille en âge de lire prête sa voix, pas seulement pour faire une lecture, mais pour que Dieu passe par elle. Je remarque enfin que partout où filles et garçons ont des rôles distincts, cela fonctionne. En revanche, lorsque les filles servent à l’autel dans des groupes mixtes, ces derniers s’en vont. Pourquoi ? Parce qu’elles servent souvent mieux qu’eux (rires) !

Vous organisez des camps pour les servants d’autel. Qu’est-ce qui différencie un camp de ce type d’un camp chrétien lambda ?

Les camps que nous organisons sont très axés sur la liturgie. Nous proposons des ateliers au cours desquels les enfants ont l’occasion d’approfondir leur mission. Nous prévoyons des temps pratiques où les garçons apprendront, par exemple, à manier l’encensoir et d’autres où il leur sera proposé de réfléchir à la portée de leur geste. Ainsi, nous pouvons nous intéresser à la place de la lumière dans la liturgie, à une explication du credo, au sens de la messe, etc.

Y a-t-il une pédagogie propre aux servants d’autel ?

J’aime beaucoup cette phrase de Jean-Marie Petitclerc : « On ne manque pas d’adultes qui s’occupent d’adolescents ; on manque d’adultes qui disent aux adolescents : “J’ai besoin de toi ”». Il y a là une clé. Que l’Église soit capable de faire confiance à un jeune de 15, 16 ou 17 ans et de solliciter son aide peut aussi faire naître en lui le désir de donner sa vie dans le sacerdoce.

Le service de l’autel est intéressant, car il permet justement à des plus grands, à travers l’octroi de cordons de couleurs, de recevoir une première mission d’Église. En s’occupant des plus jeunes, nombre d’aînés ont ainsi pu discerner leur vocation. Dans le diocèse de Valence, des camps pour les servants d’autel sont organisés chaque hiver. Nous y accueillons deux catégories de jeunes : d’un côté, les 13-14 ans qui commencent à entrer en résistance et qui nous font savoir que leurs parents les ont forcés à venir. Ceux-là nous les désignons comme « grands frères » chargés d’une mission vis-à-vis des plus petits : ils aident au moment du coucher, lors de la toilette, etc. De l’autre, les 16-17 ans qu’on appelle « aînés » font déjà partie de l’équipe d’animation. Pour les uns comme pour les autres, je suis à chaque fois surpris par la joie de ces jeunes lorsqu’on leur dit : « J’ai besoin de toi pour remplir cette mission ». Tout cela dépasse le service de l’autel. L’Église les envoie.

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